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« Le combat que je mène avec moi sera aussi le tien . »

(Sophie Sholl à son fiancé Fritz, nov 40)

 

            « La Rose Blanche »,

                        Hans et Sophie Sholl…

 

Depuis la sortie, en 2006, du film « Sophie Sholl, les derniers jours », ces noms ont fait davantage connaître, en France, une partie de la Résistance allemande au nazisme.

 

Voici 5 jeunes étudiants allemands, Hans et Sophie Sholl, Alexander Schmorell,

 Christoph Probst et Willi Graf (aidés du professeur Kurt Huber),

qui, en pleine oppression nazie, ne craignent pas de réveiller en eux-mêmes le désir de chercher la vérité, qui revendiquent la liberté de l’exprimer. Il s’agit pour eux de dénoncer l’idéologie nazie et ses crimes, de défendre les principes les plus fondamentaux pour la survie spirituelle et temporelle de chaque homme, des nations et de la culture en général. Leur amitié se soude dans le combat de la parole vraie contre le totalitarisme, et ils feront de leurs exhortations, à travers des tracts, une arme que le pouvoir nazi estimera redoutable. Finalement ils donnent leur jeunesse et leur vie.4887_jpg_19115.jpg

 

Le film « Sophie Sholl… », sorti en 2006, évoque les « derniers jours », à Munich, de l’activité de ce groupe de résistants étudiants.

Janvier-février 43 … première défaite officielle de l’armée allemande : celle du siège de Stalingrad,  « trois cent trente mille allemands ont été conduits d’une manière totalement irresponsable à une mort dépourvue de sens… ». Ils s’ajoutent à la liste des millions de tous pays, et les massacres sauvages continuent, eux aussi : ceux des juifs en Russie, Pologne, ceux de toute race et religion, dans les camps de concentration et d’extermination…

Une seule chose à faire : sortir le peuple allemand de sa torpeur craintive, le renseigner sur les mensonges du régime et sur ses agissements, lui montrer que la guerre doit cesser, entraînant la disparition du national-socialisme du Fürher  ; après cette lutte de l’intérieur, la culture et l’esprit chrétien des nations européennes pourront les faire ressusciter.

Janvier-février sont ainsi deux mois d’activité fébrile pour la Rose Blanche. Six tracts sont rédigés, imprimés en secret, distribués et postés par milliers. La police nazie enquête et l’étau se resserre (ceci n’apparaît pas dans le film), jusqu’à ce matin du 18 février où Hans et Sophie, qui ont 24 et 21 ans, sont arrêtés alors qu’ils déposent des tracts dans le bâtiment central de l’Université de Munich. Interrogés pendant 4 jours, jugés le lundi 21 février à 10h du matin par un soi-disant Tribunal Populaire digne de ceux de la Terreur révolutionnaire française, ils sont guillotinés seulement quatre heures après, avec Christoph Probst, jeunes père de famille de trois enfants. Treize autres membres de la Rose Blanche seront aussi éliminés les mois suivants.

Mais leur attitude héroïque et leur langage de vérité ont secoué l’Allemagne et contribué à provoquer à long terme un certain renouveau humain spirituel.

 

La mort des « héros » attire toujours l’attention sur leur vie particulière. Qui sont-ils vraiment  ? Comment des jeunes ont-ils pu arriver à posséder tant de force de conviction  ?

Immergés avec eux dans cette Allemagne des années 1935-42, nous pourrons suivre leur parcours humain et spirituel, et écouter tout ce qu’ils ont à nous dire.

 Ils nous apparaîtront, à plus d’un titre, comme des exemples pour les jeunes du 21ème siècle, ayant eu à faire face aux mêmes questions essentielles.

 


L’arrestation de Hans et Sophie eu lieu lorsqu’ils diffusaient leur dernier tract, le sixième, dont voici de larges extraits :

« Étudiants, étudiantes !hans-en-grand.jpg

(…) Allons-nous continuer de confier le destin de nos armées à un fou ? Allons-nous sacrifier le reste de notre jeunesse allemande aux instincts de pouvoir les plus vils de la clique du parti ? Jamais plus ! L'heure de régler les comptes est venue, de régler les comptes entre la jeunesse allemande et la tyrannie la plus exécrable que notre peuple ait jamais connue. Au nom du peuple allemand tout entier, nous exigeons que l'Etat d'Adolf Hitler nous rende la liberté individuelle, le bien le plus précieux des Allemands qui nous a été dérobé de la manière la plus ignoble.

Nous avons grandi dans un État qui empêchait par des moyens inhumains toute liberté d'expression. (…) les SA et les SS ont tenté de faire de nous des révolutionnaires, de nous droguer pendant ces années les plus importantes de notre vie. « Formation idéologique » était le nom de la désastreuse méthode qui consistait à étouffer en nous toute pensée autonome ainsi que toutes les valeurs personnelles dans une nébuleuse de phrases creuses. Des chefs, sélectionnés d'une manière tellement démoniaque et monstrueuse qu'elle est difficilement concevable, tentaient de former les futurs meneurs du parti (…), pour faire d'eux des tyrans sans Dieu, dépourvus de honte et de conscience, des assassins, des partisans stupides du Fuhrer. Nous, les « travailleurs intellectuels », nous n'étions à leurs yeux que de simples instruments pour cette nouvelle classe de dominateurs. (…) 

Pour nous, il n'y a qu'un mot d'ordre : lutter contre le parti ! (…) Quittons les amphithéâtres où s'expriment les sous-chefs SS et les partisans du parti ! C'est la vraie science et la véritable liberté d'esprit qui nous intéresse ! Nulle menace ne peut nous effrayer, pas même la fermeture de nos universités. Il s'agit d'une lutte de chacun d'entre nous pour notre avenir, notre liberté et notre honneur dans un Etat conscient de sa responsabilité morale.

Liberté et honneur ! Pendant dix longues années, Hitler et ses sbires nous ont fait entendre à l'excès ces deux magnifiques mots allemands, ils les ont utilisés et déformés comme seuls savent le faire des dilettantes qui jettent aux cochons les valeurs les plus élevées d'une nation. Ils ont suffisamment montré pendant dix années de suppression de toute liberté matérielle et spirituelle, de toute substance morale du peuple, ce que signifient la liberté et l'honneur. Même l'Allemand le plus sot s'est rendu compte de l'horrible boucherie réalisée en Europe au nom de la liberté et de l'honneur, et qui l'est encore chaque jour. Le nom allemand sera déshonoré pour toujours si la jeunesse allemande ne se soulève pas pour venger et expier à la fois ; pour anéantir ses oppresseurs et cons­truire une nouvelle Europe spirituelle. (…)

 

 

Mais avant de poursuivre, rappelons quelques éléments essentiels du contexte : l'Allemagne Nazie

 

            La République de Weimar (1919-1933) essaie de retrouver la puissance Prussienne après le désastre causé par la ]ere Guerre Mondiale ; elle est  héritière de l'Empire Prussien, sous lequel le chancelier Bismarck (1871-1890) ainsi que l'Empereur Guillaume II avaient développé une nouvelle Allemagne, pangermaniste, dans laquelle la loi de l'Etat devenait supérieure à toute autre règle.

L'Allemagne vaincue est très sévèrement sanctionnée parle Traité de Versailles de juin 1919, le "diktat", et son peuple exaspéré forge à son tour l'idée de la revanche. A partir de 1920, les minorités révolutionnaires Allemandes s'agitent très fortement et mettent le pays à feu et à sang. En outre, de 1920 à 1930. le pays connaît une crise économique sans précédents. Ne sachant comment à la fois empêcher l'expansion du communisme et obtenir le soutien du peuple face à la montée des Nationaux, le gouvernement du Maréchal Hindenburg finit par se tourner en 1933 vers l'homme "providentiel" : Adolf Hitler. Cet Autrichien, simple ouvrier décorateur et membre depuis 1919 du Parti des Travailleurs Allemands a commencé à se faire entendre dans la presse et au sein de la Bourgeoisie grâce à des soutiens financiers issus de la Haute industrie. Il veut créer un socialisme national par lequel toutes les classes se réuniraient au service de la grandeur Allemande. Cette idée fascine les élites.

II  fonde le NSDAP et ses Sections d'Assaut, organise le putsch de Munich en 1923 pour faire tomber ensuite Berlin et créer un grand Etat unitaire Austro-Allemand.

Peu à peu, il s'est acquis le soutien de l'Etat Major et a "épuré" l'armée en éliminant les membres réfractaires au Nazisme. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour une Allemagne "unitaire, autoritaire, populaire".

Après la formation d'un cabinet de concentration nationale le 30 janvier 1933, Hitler, le furher (guide) dissout le Reichstag (parlement) dès février puis interdit les publications et les réunions non affiliées au Parti. Le 23 mars, il reçoit les pleins pouvoirs et peut refondre les lois fondamentales, il s'agit à présent de rééduquer le peuple pour venir à bout du programme.

 L'idéal Nazi est le suivant : la Terre est en perpétuelle évolution. Les métamorphoses biologiques et physiologiques qui touchent l'être humain s'effectuent sous nos yeux. Il faut suivre cette évolution et aider les transformations en éliminant les races dégénérescentes pour arriver au surhomme (d'où l'eugénisme Nazi qui consiste à éliminer les "sous-hommes" et que dénoncera le "Lion de Munster", Mgr Von Galen)

Rien ni personne ne doit freiner l'effort germanique. Il faut que les jeunes Allemands préservent leurs corps des contacts dégradants pour l'offrir sans tâches à la Patrie. C'est la naissance des "junkers".

Nietzsche apprend que l'être humain se sublime lui-même en combattant de toutes ses forces et jusqu'à la destruction s'il le faut, pour l'idéal qu'il s'est choisi. On retrouve dans la doctrine nazie une très forte influence du père du nihilisme.

Les mesures sont multiples pour transformer les esprits. Par exemple, en janvier 1937. une loi décide une augmentation de quatorze heures de cours hebdomadaire dans tous les établissements scolaires et impose deux heures de "théorie raciale".

A la sortie des classes, les jeunes sont régulièrement convoqués dans des rassemblements de la Hitler Jugend où l'apparat et la discipline militaire les préparent aux camps d'entraînement. Ces camps "de jeunesse", qui ont lieu à chaque vacances scolaires parachèvent le travail d'endoctrinement. Les jeunes garçons et filles apprennent à se battre mais aussi à dénoncer et à ne plus penser de façon personnelle.

Après 18 ans les jeunes doivent encore effectuer le "Service du Travail Obligatoire" dont parle à plusieurs reprises Sophie. C'est dans ce contexte totalitaire que grandissent les jeunes membres de la rose blanche, âgés de 18 à 24 ans environ au moment des accords de Munich, (septembre 1938).

 

                             Hans et Sophie Scholl : formation de la personnalité

 

Hans Scholl, le 18 déc 1937,  à ses parents :

« J’ai largement le temps de réfléchir, maintenant, et toute mon enfance dorée défile devant mes yeux dans les couleurs les plus vives. D’abord jeu d’enfant, puis travail sérieux, puis engagement inlassable au service de la communauté. Rares sont ceux qui peuvent se retourner sur une enfance aussi belle et glorieuse. Et maintenant j’ai repris confiance en mon avenir. J’ai retrouvé la foi dans ma force, et cette force c’est au fond à vous seuls que je la dois. C’est aujourd’hui seulement que je suis pleinement sensible à la volonté de mon père, d’une volonté qui était la sienne et qu’il m’a transmise : devenir quelque chose de grand pour l’humanité.

Je prie instamment mère de ne pas perdre sa gaieté parce que les enfants en ont terriblement besoin. Ce qui importe le plus, c’est que Noël reste une joyeuse fête de famille.

Merci beaucoup à vous deux.

                                                           Votre Hans »

 

La reconnaissance dont témoigne cette lettre, écrite par Hans, 19 ans, est le fruit d’une belle atmosphère familiale, les enfants trouvant près de leurs parents : solidité et profondeur, confiance, exemples donnés et joies simples. Les Scholl eurent 5 enfants. Inge, l’aînée (1917-1998), Hans (1918), Elisabeth (1920 ; épousera plus tard le fiancé de Sophie), Sophie (1921) et Werner (1922 ; porté disparu pendant la guerre, en 1944). Les trois derniers sont venus au monde dans le ville de Forchtenberg, où Robert Scholl exerce la fonction de maire.

« La petite ville paisible où nous passions notre enfance, raconte Inge, semblait oubliée du vaste monde. Seule une diligence grinçante nous transportait à la gare en un long voyage. Maire du pays, notre père obtint que nous soyons desservis par une ligne de chemin de fer. Mais nous, nous ne  trouvions pas si limité l’univers de cette petite ville ; il nous paraissait au contraire étendu et superbe. »

 

Les « couleurs vives » évoquées plus haut par Hans, sont  d’abord celles de la nature environnante. Tous se montrent sensibles à ses multiples beautés, comme il apparaît dans les lettres de Hans et Sophie, aux nombreuses évocations descriptives et poétiques.

 

« (…) L’abeille survivrait même si les poètes de tous les temps n’avaient pas chanté ses louanges. Le monde ne périrait pas si les poètes étaient morts. Et le vent continuerait de chanter ses chants. Mais qu’est-ce que l’abeille, qu’est-ce que le vent, sans l’homme pour voir et écouter ? Si l’œil de l’homme ne s‘élève pas  vers la cime des arbres, si son esprit ne s’envole vers les nuages, si son amour n’atteint le soleil. Et si l’esprit est en danger, l’existence humaine l’est aussi… »    Hans, journal, 22 août 1942

 

On est loin de la dureté et insensibilité prônée  par l’idéal nazi.

 

Chez Hans, cette sensibilité tourne parfois à la mélancolie, dans laquelle il aura longtemps à se débattre, à certaines périodes tourmentées de sa vie où il est confronté aux problèmes liés à la guerre,  à des questions  cruciales  touchant au nazisme, ou à la vie en général. Par là  il est bien proche de toute une jeunesse.

 

            « Chère Rose ! (une amie de cœur de Hans, d’une famille très liée aux Scholl) Il neige énormément aujourd’hui. Il n’y a rien d’autre  à faire qu’à s’installer douillettement dans  sa chambre, allumer sa pipe et méditer ses péchés ! Si tu avais reçu toutes les lettres que je t’ai envoyées en pensée, tu serais ensevelie sous une montagne de mots.

Pour commencer, cependant, la vérité. Je suis tout sauf un jeune qui a les deux  pieds sur terre. Il y a une espèce de folle mélancolie au fond de tout, et c’est bien pourquoi je ne suis pas porté à écrire. Comprends-moi bien. Il ne s’agit pas d’une faiblesse extérieure, mais d’une insécurité personnelle, intime, qui n’a strictement rien à voir avec la faiblesse. Ni l’instabilité. Mais on se sent parfois un peu fatigué du monde, et on a beau faire, ses efforts paraissent vains et superflus. Peut-être s’agit-il de symptômes de l’époque dans laquelle nous vivons. Si tel est le cas, on devrait être cependant capable de les surmonter. »    

  Hans, 3 février 1941

 

            En famille ou avec des amis, les enfants Scholl prennent vite goût  aux longues promenades, aux randonnées avec nuit à l’auberge, avec les veillées et les  chants, aux efforts physiques sains, à la nage, au ski, etc…

Ecoutons Sophie –avec son tempérament bien particulier, fait de vivacité et d’espièglerie :

« Si j’avais su que ce n’était pas encore l’heure de dîner, je serai restée dehors tant le temps est magnifique. Il souffle les cheveux en avant et on peut se pencher en arrière sans risquer de tomber. Un bel orage. J’ai déjà pas mal nagé, je sais même faire le plongeon de départ, pas à la perfection naturellement. J’adore rester dehors si tard. C’est drôle d’être si petite quand les arbres sont si grands. J’adore la lande et les marais. Nous comptons séjourner quelques temps à l’auberge de jeunesse de Worpswede. Annlis est partie pour 4 jours à Vienne. Dommage qu’Erika ne soit pas venue : personnellement j’aurais davantage apprécié la compagnie d’Erika , mais il ne faut pas être égoïste. De toutes façons, je vois bien qu’Erika, Annlis et Lisa, ça ne collerait pas. »    à sa sœur Inge, 8 juillet 38

 

«  Cher Fritz,   (ami de Sophie)          24 septembre  1938

 Samedi, il est 8 h du soir. Tu sais à quel point c’est magnifique ? Le meilleur de toute la semaine, parce que je peux penser au lendemain sans le moindre scrupule, quant à penser au surlendemain, c’est au-dessus de mes moyens.

Hans est rentré aujourd’hui et nous avons f^été son anniversaire après coup. Nous avons encore de magnifiques journées d’automne ici, je vais souvent me promener dans les bois, tu sais, l’Illerwald n’est jamais plus beau qu’au printemps et à l’automne. Il m’arrive d’aller faire du canoë avec Oskar, mais le lendemain les piqûres de moustiques me démangent tellement que je passe la nuit à me gratter.

Annlis vient d’appeler pour dire que sa mère a monté du vin et du mousseux. Tu imagines ! Les temps pourraient être plus difficiles.

Je viens de lire une lettre d’Inge, et me voici de nouveau nostalgique. Nous avons beaucoup de chance de pouvoir partir à toutes les vacances. Je plains tous les gens qui n’ont  jamais connu ce genre d’expériences, mais la vérité c’est que je les leur accorderais à contrecoeur. Je ne peux m’empêcher de penser à Inge et moi sur la route des marais, sortant la guitare et chantant, comme ça, en nous fichant pas mal des visages abrutis des passants interloqués. (…) »

  Formation de l’intelligence

 

            Dans un monde dominé par l’image – télévision, cinéma, dvd, internet – comme l’est celui du XXIème siècle, il n’est pas facile de se faire une idée de l’ambiance intellectuelle d’il y a 60 ans, dans laquelle les livres (les livres de réflexion), ainsi que la musique (la vraie) et l’art (le vrai), occupaient une place prépondérante.

            Chez les Scholl, comme le rappellera plus tard Inge, l’aînée des enfants, « les livres jouaient, depuis l’enfance, un rôle fondamental ».

            Chez eux, les enfants Scholl apprennent le respect de la vie et des personnes les plus faibles de la société, ainsi que des valeurs chrétiennes profondes. Leur mère, protestante, les élève dans la religion : « elle nous a appris à prier et nous a familiarisés avec l’existence de Dieu qui sait tout et nous aime, même si on ne le voit pas » déclare Inge.

            La Bible est un livre central pour eux. Leur vision chrétienne de l’existence s’étend à d’autres aspects de la culture : littérature, art et musique font partie de leur vie. Parmi les nombreuses lectures de la famille Scholl, un nombres importants d’auteurs interdits par les nazis retiennent l’attention : Heinriche Heine, Stefan Zweig et Thomas Mann ; des auteurs de la république de Weimar qui s’opposent au régime nazi pour des motifs humanitaires ou religieux ; ou encore des écrivains qui prônent une restauration à partir d’une base spirituelle.

           

            Même s’ils sont très unis entre eux, les cinq enfants Scholl ne forment pas un groupe fermé : leur maison est toujours ouverte aux amis, aux camarades, aux voisins. Un de ces amis a une influence décisive sur leur famille : il s’agit de Otto (Olt) Aicher, futur mari de Inge et camarade de Werner à Ulm. Selon ce que dira plus tard sa femme Inge :

            « Olt était un de nos amis qui nous ont fait connaître les livres de Socrate, les Confessions de St Augustin, les Pensées de Pascal, Qu’est-ce que l’homme ? de Theodor Haecker, ainsi que des œuvres de philosophes et d’écrivains français comme Maritain, Bernanos et Bloy. Werner avait commencé à former une bibliothèque des religions ; il avait d’abord lu Lao Tseu, puis Bouddha, Confusius, le Coran et les philosophes grecs. Par l’intermédiaire de son ami Olt Aicher, il put faire connaissance des témoins des premiers temps de la Chrétienté et des grands penseurs chrétiens. Il fut le premier d’entre nous à étudier le christianisme. »

            Les enfants Scholl sont donc en recherche d’une base intellectuelle solide (comprenant les aspects philosophiques, spirituels, religieux, moraux, politiques…) : les germes de formation morale et spirituelle, même très positifs, donnée par les parents, ne leur suffiront pas. Ils tatonnent, au début, et leur recherche n’est pas exempte d’erreur ou de curiosité ; dès qu’il seront en présence de guides, ils avanceront plus vite et plus profondément, plus sûrement.

 

une adolescence

 entre passions

et pressions

 

Une famille qui semblait couler des jours tranquilles… Mais 19333 : Hitler arrive au pouvoir.

 Inge a 16 ans, Hans :15, et Sophie : 12ans.

Comme on l'a vu, ils ont de riches personnalités déjà, et aiment leur pays, la nature, le sport…

            Ces richesses de la jeunesse allemande vont être détournées :

 l'idéal nazi, pour régner, doit rééduquer la jeunesse;

pour cela les mots (qui exprimaient avant des idées justes)

et les forces seront détournés, pervertis;

on utilisera les passions inhérentes à la jeunesse, et on fera pression s'il le faut…

           

le sixième tract distribué par Hans et Sophie le proclame :

 

"« Formation idéologique » était le nom de la désastreuse méthode qui consistait à étouffer en nous toute pensée autonome ainsi que toutes les valeurs personnelles dans une nébuleuse de phrases creuses.

            Liberté et honneur ! Pendant dix longues années, Hitler et ses sbires nous ont fait entendre à l'excès ces deux magnifiques mots allemands, ils les ont utilisés et déforméscomme seuls savent le faire des dilettantes qui jettent aux cochons les valeurs les plus élevées d'une nation. "

 

            Mais n'anticipons pas : en 1933, "on commença à nous parler de patrie, de camaraderie, de communauté populaire. Ces notions s'imposaient à nous et nous écoutions, enthousiasmés, ce qu'on en disait à l'école ou dans la rue. Nous apprenions que Hitler voulait apporter à l'Allemagne la grandeur et le bien-être qui lui manquaient…en donnant à tout allemand l'indépendance, la liberté et le bonheur.

Ce programme nous plaisait, et nous voulions consacrer toutes nos forces à le réaliser. Autre chose nous séduisit, qui revêtait pour nous une puissance mystérieuse : la jeunesse défilant en rangs serrés, drapeaux flottants, au son des roulements de tambour et des chants.

Cette communauté n'avait-elle pas quelque chose d'invincible ? Quoi d'étonnant à ce que nous tous nous trouvions bientôt engagés dans la jeunesse Hitlérienne ? (en 1933 : 4 millions de jeunes !)

Notre père était au contraire très hostile, et nous disait parfois : "Ne les croyez pas. Ce sont des brigands qui n'ont ni foi ni loi, ils trompent grossièrement le peuple allemand."

 

Mais un changement se produit

Plusieurs faits vont changer radicalement la position de Hans.

 

-   

-  Hans aimait beaucoup chanter, aux veillées, des chants populaires de tous les pays, accompagné à la guitare; les chefs nazis le lui interdisent. " Seulement parce qu'ils étaient inventés par d'autres peuples ? Il ne comprenait pas. Tourmenté, il perdit peu à peu son insouciance." On lui arrache des mains le livre de son poète préféré : "Heures étoilées de l'humanité" de Stefan Zweig (écrivain juif). Pourquoi le livre était-il interdit? Pas de réponse.

-          Et surtout :

o   La forte personnalité de Hans et son aspect attirant avait fait de lui un chef dans le mouvement; il est à la tête de 150 jeunes. C'est lui qui est nommé pour porter le drapeau des jeunesses Hitlériennes de sa ville, Ulm, au fameux congrès du parti de 1936, à Nuremberg, avec ces 50 000 jeunes qui acclament Hitler.

"A son retour, dit Inge, il était méconnaissable. Il semblait dégoûté. L'idéal de la jeunesse qu'on lui avait présenté là bas, était tout différent du sien."

 

Faisons une parenthèse : à propos du scoutisme.

            Certaines personnes ont parfois décrié le scoutisme, en faisant un parallèle avec quelques aspects extérieurs des jeunesses hitlériennes.

Or, est-il besoin de rappeler la parole si universelle d'Aristote :

La corruption du meilleur est ce qu'il y a de pire.

            Ce qu'il y a de meilleur, dans la jeunesse, voilà ce que le scoutisme essaye de tirer de chaque enfant, chaque jeune qui lui est confié.

            Le but du scoutisme, c'est l'éducation, la formation de la jeunesse , à travers le dépassement de soi, la découverte de ses capacités, la découverte de la nature, l'aide mutuelle, etc… L'idéal du scoutisme, c'est la loyauté véritable, l'honneur vrai, le don de soi bien ordonné…

Au fond, c'est ce que cherchait Hans, et qu'il avait cru trouver un moment : "Il aurait voulu, lui, que tout garçon pût tirer le meilleur de soi-même, que chaque individu coopérât, par son imagination, ses idées et son caractère, à enrichir le groupe."

Bien sûr, il y a, dans le scoutisme, un uniforme, des rangs, un fanion, etc…il n'y a là aucun problème, ce sont choses bien utiles et naturelles pour aider l'enfant précisément à se situer dans ce groupe qui l'aide à grandir dans un idéal.

 

Mais il est vrai : la corruption du meilleur est ce qu'il y a de pire.

De certains de ces éléments, le nazisme s'est servi, lui, le corrompant à la base même, pour en tirer le pire.

 

Il faut en faire la constatation, le déplorer, être sur ses gardes.

            Mais non pas rejeter le meilleur, sous ce prétexte d'être sur ses gardes.

 

Bref, fermons la parenthèse.

           

            Hans, en 1937, entre dans un groupe de jeunes interdit par la Gestapo.

Cette année-là commence un profond processus de maturation des jeunes Scholl.

   

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